L’œuvre d’Anne Herbauts m’émeut et m’impressionne depuis le début. Je ne comprends pas toujours bien les directions qu’elle prend, je n’ai pas forcément aimé tous les albums qu’elle a publiés, mais à mes yeux peu d’auteurs-illustrateurs ont un talent aussi singulier, une voie aussi personnelle, jamais tracée d’avance.
J’ai eu la chance de participer, en 2019, à un numéro de la revue Textyles (revue des lettres belges de langue française) consacré aux artistes belges de l’album, dans lequel j’avais choisi de parler d’Anne Herbauts – l’occasion de passer un été entier plongé dans l’intégralité de ses livres alors publiés. Dans l’article que j’avais tiré de cette immersion, je disais ma surprise et mon admiration de découvrir avec quelle finesse et acuité, dès le début de sa carrière, Anne Herbauts expose dans les albums eux-mêmes sa réflexion sur le processus de création – le trait, la page, le motif, la poésie.
Le cinquième opus de la série “Matin minet” au format agrandi pour l’occasion (puisque Grandeur nature est une réflexion sur la mesure des choses) vient de paraître chez Pastel. Or on se souvient que le premier titre de la série était Le Point du jour – c’est-à-dire précisément l’expression autour de laquelle tourne, paru lui aussi ces derniers jours, Où il est question de main et de météore, superbe essai poétique publié par Esperluète.
Cet éditeur belge suit Anne Herbauts depuis ses débuts, et a publié certains de ses livres les plus introspectifs. Celui-ci me paraît le plus abouti, à la fois sublime et profond. Jamais elle n’avait été si loin pour dégager l’art de saisir l’insaisissable à l’aide de mots, de traces, de couleurs. C’est un véritable art poétique, qui tourne autour des questions infinies de la littérature et de l’art : qu’est-ce qui défigure le réel, et simultanément le révèle et lui donne corps, dans la saisie par les mots ? Comment le dessin pourrait-il faire voir sans refaire, refaire sans trahir, trahir pour faire voir ?
C’est la semaine du salon de Montreuil, où tous les médias daignent enfin parler de livres pour enfants. Ils mettront à l’honneur quelques titres, et quelques auteurs, qui seront ainsi “poussés” vers les sapins de Noël. Pour ma part, à ceux qui aiment les livres, les images et la poésie, je voudrais offrir Où il est question de main et de météore.
Anne Herbauts (textes et dessins), Où il est question de main et de météore, Esperluète, novembre 2024. 25 € • 21 x 28 cm • 48 pages • isbn 9782359841923 • collection hors-format
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Cécile Boulaire (28 novembre 2024). Anne Herbauts s’explique. Album '50' Consulté le 10 décembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12s5n
Je n arrive pas à critiquer vos articles. Je suis les créations d Anne Herbauts depuis le tout début. J ai eu la chance de l accueillir par deux fois ainsi que son éditeur Arnaud de la Croix à l époque chez Casterman. Nous avions reçu celui-ci l année précédente 2002 autour de l œuvre de Gabrielle Vincent.En 2003 nous la recevions . L année où Anne Herbauts a reçu le prix Baobab pour : “Et trois corneilles…”.Je me rends compte aujourd’hui qu en dehors de ses qualités artistiques pour l image je suis très sensible aux mots avec lesquels elle joue. Une grande liberté une grande justesse sans oublier le silence entre les mots “Silencio” et le blanc des pages.Merci pour votre article.